L’enfant loin

L’enfant se tient droit devant l’objectif, la moue renfrognée, petit bout pris en flagrant délit de fierté.
De près il est un peu flou, de loin il paraît si petit. On l’a habillé d’une veste à revers empesés, gros boutons, légèrement froissée. Dessous, un T-Shirt usé dépasse en tirebouchonnant. Si on l’avait écouté, il n’aurait pas enfilé cette veste, il se serait dérobé face à l’adulte et à son appareil photo. D’ailleurs, il ne le regardera jamais, trop concentré dans sa colère et la gêne de toute cette attention. Son frère l’a rattrapé alors qu’il s’enfuyait derrière sa maison, une bâtisse en toit de paille séchée et mur en torchis, une habitation ronde comme le monde. Autour, beaucoup de vert, je n’aurais pas cru qu’il puisse y en avoir autant sur cette partie-là de la Terre. Mais l’Afrique, ce n’est pas que le désert, vagues de sables et plateaux lunaires. Je vais apprendre.
L’enfant grandira dans une vie à mille lieues de la mienne. Une mer, des poignées d’années nous séparent. Je ne connais que le trop, lui se débrouille avec le peu. J’espère que ce petit peu de mon trop l’aidera à grandir mieux.

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