Sur l'origine du Banana-Split - 1/3

Publié le par Lux

Découvrez l'origine d'un dessert fameux, le banana-split.
C'était il y a très très longtemps, il y a plus de 1700 ans...

Sixième année du IVe siècle après Jésus-Christ, sur la côte Adriatique. C’était l’été, brûlant comme un big-bang avec des nuits haletantes à peine troublées par une lune ronde et blanche et des poignées d’étoiles filantes jaillissant d’un ciel moucheté d’éclats dorés.
Sur la côte Dalmate, près de Salone (aujourd’hui Solin), l’empereur romain Dioclétien avait fait ériger un palais digne de ses 11 années de règne sur un empire qui s’étendait de la Mer caspienne jusqu’à la Gaule. Il venait tout juste d’abdiquer de son trône et jouissait maintenant de la douceur de son pays natal dans sa ville-palais dédiée à Jupiter.
A 61 ans, Dioclétien se félicitait de pouvoir enfin profiter de sa retraite, protégé derrière d’épais remparts. Mais cet été, le 2ème passé dans son Palais, était l’un des plus chauds de ces 50 dernières années. La température n’était plus descendue en dessous de 35°C depuis plusieurs semaines déjà. Chacun avait la désagréable sensation d’errer dans un four béant que nul souffle d’air ne pouvait rafraîchir. La nuit n’apportait aucun repos au corps qui ne supportait ni drap ni toge et ruisselait en continu d’une sueur aigre et fortement salée.
Vu de la mer, le Palais de Dioclétien ressemblait à un large navire posé sur le rivage, une forteresse de pierre et de marbre aux toits de tuiles rouges dont les teintes rivalisaient le soir avec celles du soleil couchant. Les appartements de l’empereur ouvraient sur le grand large et ses odeurs d’iode et de pin. De sa longue terrasse couverte, Dioclétien observait les allées et venues de ses vaisseaux de guerre et celles, fort matinales, des bateaux de pêche colorés qui oscillaient paresseusement dans les eaux calmes du port sitôt le soir tombé. Les pêcheurs reconnaissaient la silhouette de l’empereur qu’ils s’empressaient de saluer dès qu’elle apparaissait sous la galerie de la façade maritime du Palais : « Ave, Auguste Dioclétien ! », lui criaient-ils sans attendre d’autres réponses qu’un léger hochement de tête.
L’homme avait régné sur un empire et y avait survécu, échappant aux assassinats, empoisonnements et autres trahisons qui avaient coûté la vie à tant d’autres, Empereurs, Augustes, Césars, Consuls… Il avait tué, beaucoup, ne comptant plus les cadavres qui s’entassaient aux portes de sa conscience. L’empire valait tous ces sacrifices, genoux à terre, nuques soumises, gorges tranchées, peaux brûlées. Dioclétien avait bu le nectar du pouvoir jusqu’à la lie et n’en était pas mort. Les Dieux l’avaient accompagnés jusqu’aux portes de son Palais et l’empereur les en remerciait chaque jour.
Il faisait chaud, si chaud...
Le soleil avait avalé jusqu’aux nuages, noyant l’azur de vagues aveuglantes. Dioclétien porta la main droite à son front, tentant d’apercevoir les ombres qui vacillaient sur l’horizon. Pas un mouvement, pas un souffle de vent, seule la chaleur faisait vibrer l’air. L’astre était au zénith. Hommes et bêtes dormaient, ayant succombé depuis plusieurs heures déjà à la torpeur générale. Seules la nuit et l’aube permettaient quelques sorties, au marché, au lavoir, aux bains. Les places étaient désertes : même les chiens restaient cachés, réfugiés dans quelques terriers abandonnés, le poil collé par la transpiration.
L’empereur se dirigea vers une large table de marbre. Une amphore de terre cuite était posée à une extrémité. Dioclétien saisit une louche de fer et la plongea dans l’eau presque fraîche. Le liquide coula dans sa gorge desséchée. Quelques gouttes glissèrent dans son cou jusque sur sa toge mais Dioclétien ne s’en soucia pas : la chaleur aidant, l’eau s’évaporerait en quelques minutes à peine.
« Carausius », appela-t-il d’un ton las. Un homme dans la fleur de l’âge apparut aussitôt à l’entrée de la pièce. Il logeait dans un petit appartement attenant à celui de l’empereur. Un garde attaché à la surveillance des lieux le prévenait d’un coup de lance sur le sol dès que Dioclétien le réclamait, quelle que soit l’heure du jour ou de la nuit. Plus petit que l’empereur, plus frêle aussi – tandis que les plis de la toge de Dioclétien avaient peine à dissimuler un ventre rond et tombant, le petit homme flottait dans son habit immaculé – Carausius travaillait au Palais depuis que son principal habitant y avait définitivement établi ses quartiers. C’était le confident de l’empereur, son porte-parole, son secrétaire et son seul ami, si l’on admettait que Dioclétien pouvait avoir des amis.
« Ave Caius Aurelius Valerianus Diocletianus ».
« Ave Carausius ». Dioclétien s’avança vers l’une des ouvertures de la galerie aussi loin que l’ombre sur le sol le permettait. Le soleil traçait un chemin de lumière devant chaque embrasure, une allée brûlante qui ne s’effaçait que le soir venu.
« Qu’a dit la Pythie ? Combien de jours encore allons-nous subir la colère d’Hélios ? Le sacrifice de la demi-lune n’était donc t-il pas suffisant ? »
Carausius inclina la tête. Une goutte de sueur coula sur son front jusqu’à la commissure de ses lèvres. « Ce sont les pleurs des martyrs, ce sont les larmes des morts, l’empereur doit pleurer à son tour ». Il avait écouté muet de stupeur la prophétie de la Pythie. La vieille femme ne l’avait même pas regardé. Le visage collé au sol, elle s’était allongée devant l’autel de Jupiter et psalmodiait des prières d’apaisement. Le sang du poulet sacrifié maculait encore ses mains et ses lèvres. « Je les entends hurler jours et nuits et leurs cris irritent Hélios. L’eau se tarira comme le sang des morts. Diocletianus crachera des rivières de sel qui rongeront les pierres de son Palais jusqu’à ce qu’il disparaisse, englouti par la mer ! ».
Carausius s’était enfui, épouvanté. Il faudrait trouver une autre Pythie. La Devineresse ne pouvait pas blasphémer ainsi contre l’ancien empereur protégé de Jupiter.
« Il faudra d’autres sacrifices, Diocletianus. La Pythie est très vieille, sans doute trop, elle n’arrive plus à lire les entrailles. Je trouverai une autre vierge, le Temple de Jupiter ne peut rester sans lumière pour décrypter les desseins des dieux. »

A suivre...

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