Soleil ardent

Publié le par Lux

La chaleur était écrasante aujourd’hui. Le soleil s’était soudainement réveillé, reprenant son rôle de dictateur renversé pendant la nuit, bousculant les nuages et imposant son énergie. Le terrien, que la pluie rendait maussade, se retrouvait, avec le retour de l’astre étincelant, scotché au sol, comme ramené à l’état de fœtus, baignant dans une atmosphère presque à la température de son corps. L’eau s’évaporait, formant une mer imaginaire qui ondulait au ras du sol. Mirage. L’homme rêvait de plages désertes, de mers transparentes et de poissons multicolores. Toutes les cellules de son être vibraient en harmonie avec les particules solaires. La chaleur annihilait toute réflexion. L’air asséchait les muqueuses des bouches entrouvertes. Les peaux enflammées se caramélisaient, et rougissaient. Le soleil aveuglait, brûlaient les fragiles pupilles. Un enfant se jeta dans l’eau irisée de l’océan et joua avec les vagues. Sans le savoir, il mourrait, à petit feu…
Le soleil sans qui rien n’existerait.
Mais par qui tout disparaîtra…

Prologue
Debout au centre de la place principale de la Ville Haute, Sadia contempla une dernière fois le ballet aérien des hydroglisseurs léchés par la lumière orangé du soleil agonisant. Il n’y avait presque personne dans les rues: l’Interdiction courrait encore pendant plus d’une heure, mais cela lui était égal. Elle ressentait le besoin physique de dire au-revoir à ce soleil dont on lui avait tant appris à se méfier, soleil redouté mais secrètement aimé malgré les interdits et les risques d’irradiation. La main levée vers le ciel, Sadia laissa couler entre ses doigts des filets d’or dont la chaleur réchauffait son corps jusqu’aux os.
Un autoglisseur de la Surveillance Civile s’approcha de la jeune femme et déclencha sa sirène. «Veuillez regagner un abri, il est interdit de s’exposer directement aux rayons du soleil. Ceci est un message de la Surveillance Civile». Sadia obtempéra en maugréant, heureuse cependant d’avoir accompli une dernière rébellion terrienne avant le grand départ. La porte coulissante menant aux ascenseurs de la Ville Basse s’ouvrit silencieusement. Elle lança un dernier regard vers le soleil et, paupières fermées, enleva pendant quelques secondes ses lunettes de protection. Un bain de lumière resserra brusquement ses pupilles: le mariage entre elle et le soleil était enfin consommé, plus de 30 ans après leurs fiançailles. Sadia remit mes lunettes et se glissa à l’intérieur.

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